Vallée du Madon

Les vallées du Madon et du Brénon :

Géographies physique et humaine d’un axe immémorial d’échanges européens

  1. Réseau hydrographique

Le Madon reçoit de nombreux petits affluents qui viennent entretenir son débit. Les principaux sont, d’amont en aval : L’Illon, La Gite, La Saule, Le Val d’Arol, Le Colon, Le Brénon

https://fr.wikipedia.org/wiki/Madon

  1. Vallée du Madon :

Le Madon, rivière longue de 106 km, prend sa source dans les Vosges au sommet du vallon druidique du Void d’Escles, au-dessus du Cuveau des Fées, non loin de Darney sur la commune de Vioménil, à une altitude de 418 m, pratiquement sur la ligne de partage des eaux entre la Méditerranée et la Mer du Nord (la Saône prend sa source à proximité sur l’autre versant).

  1. Vallée du Madon dans le Saintois :

C’est à Bralleville qu’il entre en Meurthe et Moselle, où il parcourt 40 km avant de se jeter dans la Moselle à Pont Saint Vincent à une altitude de 217 m, ce qui en fait une rivière lente.

http://meurthe-et-moselle.fr/actions/transition-%C3%A9cologique/les-espaces-naturels-sensibles/vall%C3%A9es-du-madon-et-du-br%C3%A9non

Dans son recueil de poèmes, Saint Lambert décrit la «rivière verte ».

Vallée du Brénon :

Le principal affluent du Madon dans le Saintois est le Brénon qui prend sa source non loin de la colline de Sion au village de Grimonviller et se jette dans le Madon à Autrey. Il traverse de nombreux villages de cette boucle Sion-Haroué (Dommarie, Vandeléville, Thorey, Vézelise) offrant de magnifiques paysages de ripisylves voire à certains endroits exceptionnels de cascades notamment entre Etreval et Vézelise.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Br%C3%A9non

Faune et flore :

Le Madon – ©C.Grandmaître/CD54

Les vallées du Madon et du Brénon sont classées :

-en zone Natura 2000 depuis le début des années 2000 en raison de la particularité de la faune, de la flore et des habitats naturels avec notamment des espèces d’intérêt européen,

-Espace Naturel Sensible par le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle.

Cet Espace Naturel Sensible abrite une flore et une faune remarquables : 

le castor d’Europe :

http://www.eptb-meurthemadon.fr/madon/faune-et-flore/le-castor-deurope

la libellule appelée Cordulie à corps fin,

le sonneur à ventre jaune, amphibien emblématique de la carrière juste à côté (Xeuilley),les chauves-souris,

Il n’est pas rare d’observer des cigognes dans les prairies proches d’Haroué.

Les vallées du Madon et du Brénon jouent pour ces espèces, un rôle de milieu de vie, de nourrissage grâce aux zones de prairies, de ripisylve et de haies encore préservées. Elles jouent également un rôle de corridor permettant le déplacement de ces espèces au quotidien ainsi que leur migration.

Les habitats naturels apparaissent eux aussi particulièrement importants sur le site. Les prairies de plaine médio-européenne dites ici prairies à Colchiques d’automne sont les prairies les plus sèches  parmi celles se trouvant dans le lit majeur du Madon.

 Dépendantes des crues, elles restent les moins inondées et les plus rapidement ressuyées, et hébergent une flore d’autant plus riche qu’elles sont peu voire pas fertilisées.

Si ces zones alluviales remplissent de multiples fonctions au bénéfice des espèces, elles rendent également de nombreux services écologiques aux territoires et aux communes : lutte contre l’érosion des sols, amélioration de la qualité des eaux, réduction des risques d’inondations, qualité des paysages.

La vallée bénéficie de mesures agro-environnementales, des contrats passés entre l’Etat et des exploitants volontaires permettent des mesures de conservation des prairies : adaptation des dates de fauche et limite de la fertilisation pour protéger la biodiversité.

Pêche :

Une  association des « pêcheurs à la ligne du Saintois » anime cette portion de vallée au charme indéniable qui abrite une faune piscicole diversifiées.

https://www.peche-54.fr/643-aappma-societe-des-pecheurs-a-la-ligne-du-madon-.htm

Vallée du Brenon :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Br%C3%A9non

Vallée du Madon, Saintois et sa colline de Sion sont des lieux de mémoire d’un territoire au cœur d’un grand axe d’échanges de  l’Europe méditerranéenne à l’Europe de la mer du Nord ; de la protohistoire à la romanisation : le destin du site de Sion (Extrait d’une note de Laurent Olivier ; Musée des Antiquités Nationales de St Germain en Laye)

Comment expliquer la fortune particulière du site de Sion à partir de la seconde moitié du IIème millénaire et durant la plus grande partie du dernier millénaire avant notre ère ?

Emergeant aujourd’hui du paysage rural de la Lorraine centrale, la Colline de Sion occupe en fait une position clé dans la géographie des échanges à longue distance antérieure à la romanisation.

Sion se trouve situé en effet au débouché d’un axe majeur de l’Europe occidentale, qui emprunte le couloir de la vallée du Rhône, et que prolonge en direction du nord la vallée de la Saône.

L’ensemble met naturellement en communication la Méditerranée avec les régions rhénanes et de l’Europe du Nord. Au delà des Monts Faucilles, cet axe est continué par le cours du Madon, qui se jette à hauteur de Pont-Saint-Vincent dans la Moselle. La vallée du Madon, à proximité immédiate de laquelle est implanté la Colline de Sion, constitue donc en fait une sorte de trait d’union reliant la Saône et le Rhône au sud et la Moselle et le Rhin au nord ; ce qui confère au site de Sion une situation géostratégique de tout premier plan. Le secteur de Sion constitue ainsi un point de passage obligé, à la fois pour les produits qui remontent du sud depuis les régions méridionales du Rhône et de la Saône, comme pour ceux qui descendent du nord, depuis le Rhin et la Moselle, en direction de la Méditerranée.

C’est cette géographie des échanges à longue distance traversant l’Europe protohistorique qui éclaire le destin exceptionnel da la Colline de Sion, véritable verrou sur cet axe économique majeur.  L’essor du site de Sion comme « centre de pouvoir » captant des biens de prestige d’origine lointaine coïncide avec l’âge du Fer. A partir du début du VIème siècle av. J.-C., le mobilier de certaines tombes

masculines de haut rang des environs de Sion commence à comporter en effet des matériaux tombes précieux ou des objets produits à des milliers de kilomètres de distance : ceux-ci témoignent de l’existence de réseaux d’échanges à très longue distance entretenus par certaines communautés de la région du Saintois ; mais ces importations signalent également l’apparition, au sein de la strate sociale dominante des collectivités, de personnages possédant un pouvoir économique et sans doute politique particulièrement important. Ainsi, de l’ambre rouge, dont les analyses ont montré qu’il provenait très certainement de la Baltique, parvient dans la région de Sion pour être déposé dans la tombe à char de Marainville-sur-Madon. De l’or, travaillé en éléments de parures, est importé également depuis des régions de production vraisemblablement situées à au moins plusieurs centaines de kilomètres de la Lorraine centrale. De manière plus extraordinaire, de l’ivoire d’éléphant avait été utilisé pour fabriquer le pommeau de l’épée avec laquelle était enterré le personnage de Marainville : cette matière première, qui provient probablement d’Afrique, avait été importée sous forme brute pour être travaillée et sculptée dans le monde celtique : elle y est parvenue sans doute grâce à des intermédiaires méditerranéens, dont on peut penser qu’il s’agit vraisemblablement de commerçants étrusques. Car des produits finis d’origine méditerranéenne arrivent aussi jusqu’à Sion, où certains d’entre eux, reconnus comme des biens de prestige, finissent déposés dans les sépultures : ainsi, l’important personnage de Marainville était-il accompagné d’un grand chaudron, ou lébès, en bronze battu, d’origine gréco-étrusque. Cet objet de très grand prix, qui est offert en Grèce aux sanctuaires, a très vraisemblablement transité jusqu’en Lorraine grâce à des négociants étrusques.

La géographie, cependant, n’est pas suffisante pour expliquer à elle seule le destin particulier de la région de Sion au cours de l’âge du Fer. Il faut en effet lui adjoindre la reconfiguration des réseaux d’échanges qui marque le développement des sociétés des âges du Fer, et qui sanctionne manifestement l’effondrement définitif du système économique et culturel dont les sociétés du Bronze final avaient tiré leur prospérité. Les productions qui parvenaient alors, au Bronze final, à Sion montrent en effet que les échanges étaient dominés par un axe général de communications est-ouest : celui-ci mettait en rapport la région de Sion avec des centres de production qui étaient principalement situés d’une part à l’est du Rhin (de la région des lacs suisses au à la Hesse et au Taunus au nord) et d’autre part à l’intérieur d’un vaste domaine atlantique étendu sur tout le quart nord-ouest de la France, de la Bretagne au bassin parisien.

La nouvelle économie du fer, à laquelle s’associe le développement des échanges avec les Etrusques d’abord, puis les Grecs, bouleverse cette organisation géo-économique, qui avait sous-tendu l’essor des premières sociétés du métal en Europe de l’ouest, jusqu’au début du dernier millénaire avant notre ère.

A partir des IXème-VIIIème siècles av. J.-C., la géographie des échanges s’organise désormais selon un axe sud-nord : tout au long du premier âge du Fer, celui-ci assure l’essor économique et culturel de groupes humains situés de plus en plus loin au débouché du nouveau « couloir de croissance » qui remonte la vallée du Rhône. L’apogée du fonctionnement de ce réseau se situe vers la fin du VIème siècle et coïncide manifestement avec celle du commerce grec : c’est par cet axe méridional, qui débouche sur les environs de la région de Sion, que parviennent, depuis les régions hellénisées du Midi de la France, de nombreux produits finis, notamment comme de la vaisselle à boire en céramique attique ou encore en poterie grise de Provence, ainsi que des amphores à vin (dites de type massaliote).

Cette situation privilégiée ne fait que se confirmer ensuite, à la fin du second âge du Fer, lorsque s’épanouit un oppidum des Leuques sur la Colline de Sion. Ce nouveau centre économique et politique attire dans cette partie de la Lorraine centrale un ensemble tout à fait inhabituel d’importations d’Italie romaine ou des régions gauloises de la Saône et du Rhône. Parmi ces importations, se distingue une quantité exceptionnelle de vaisselle en céramique campanienne, ainsi que d’amphores à vin, dont les auteurs de l’antiquité classique nous disent qu’il était très recherché par les aristocrates gaulois. L’étude des monnaies gauloises trouvées à Sion confirme cette situation, puisqu’on y constate la prédominance du monnayage des Lingons, dont le territoire est situé immédiatement au sud de celui des Leuques et qui contrôlent à cette époque l’axe de la Saône. Il est fort probable que les Leuques de Lorraine avaient établi avec leurs voisins lingons des relations diplomatiques facilitant la circulation des produits transitant par cette voie commerciale essentielle. La prééminence du rôle économique du site de Sion expliquerait pourquoi le site serait resté de taille relativement modeste (6 hectares) ; les Leuques, comme leurs voisins trévires ou éduens par exemple, préférant développer leurs capitales politiques sur des sites étendus sur plusieurs dizaines d’hectares.

Sous l’empire romain, l’ancien oppidum gaulois cède la place à une petite agglomération urbaine probablement liée à un sanctuaire. Contrairement à l’usage général, les Romains n’ont pas provoqué la constitution d’une ville neuve se substituant en plaine au site fortifié de hauteur. Il est probable que cela n’était pas nécessaire. Avec la romanisation, on constate que Sion a perdu désormais le contrôle du passage de l’ancien axe géostratégique du Rhône à la Moselle. La grande voie romaine reliant Lyon à Trèves ne dessert pas la région de Sion, mais passe à une vingtaine de kilomètres à l’ouest, au pied des côtes de Meuse, où elle favorise le développement d’une série de zones urbaines nouvelles, comme à Toul (Tullum), Dieulouard (Scarpona) ou surtout Metz (Divodurum), qui devient la plaque tournante des échanges au carrefour des axes Lyon-Trèves et Reims-Strasbourg. Pourtant, mis à l’écart et inévitablement démilitarisé, Sion ne meurt pas, contrairement aux autres places fortes de l’indépendance gauloise de la cité des Leuques, comme en particulier Boviolles, l’ancienne capitale, ou encore l’oppidum de la « Butte Sainte-Geneviève » à Essey-les-Nancy, qui ne survit pas à la conquête romaine. Que se passe-t-il ? On peut se demander si le poids de l’ancienne importance économique – et sans doute politique, ou plutôt symbolique – du site ne conditionne pas le développement d’un lieu de culte, où s’exprime le syncrétisme particulier des gallo-romains de Gaule Belgique. Abritant désormais un culte dédié au couple de Mercure et Rosmerta, Sion continuera toujours à protéger le commerce et les voyages lointains, comme à assurer la prospérité des hommes et de leurs familles, grâce à la pérennité des dieux gaulois.

Sion ne retrouvera jamais, par-delà l’effondrement de l’empire romain, le rôle économique éminent qui avait été le sien pendant la plus grande part du Ier millénaire avant notre ère. En revanche, la Colline de Sion maintiendra et consolidera son identité religieuse en accédant, à partir de la fin du moyen âge, au statut de « grand sanctuaire des Lorrains ». Sion est ce « lieu de mémoire » hors norme, où l’archéologie et l’histoire peuvent enfin se rencontrer pour explorer ensemble l’action créatrice des durées. Avec le départ inéluctable des derniers religieux oblats, Sion se prépare désormais à aborder une nouvelle phase de son histoire immémoriale. Qu’en ferons-nous ? Un site touristique de plus, dispensant ses « produits culturels » passe-partout à une « clientèle » de consommateurs blasés, car aliénés ? Barrès dit fort justement qu’il ne faut pas sous-estimer la puissance de Sion, dont la force de résistance est le résultat de l’extraordinaire accumulation de mémoire qui s’y est continuellement sédimentée depuis des millénaires. Sion est l’un de ces endroits, forcément mythiques, qui sont modelés par le travail millénaire de l’inconscient du temps : même enfouie et invisible, même éteinte et démembrée, la masse des vestiges du passé continue à conditionner, à chaque instant du présent, les formes de l’actuel, que celles-ci se développent en continuité ou en rupture par rapport au passé, à l’ancien. Cette mémoire cachée, agissant dans l’épaisseur des sédiments surimposés créés par l’histoire, en réalité nous domine. Elle est l’épaisseur matérielle, en même temps que la structure, des lieux à la surface desquels nous vivons et dont l’existence, déployée dans la très longue durée, nous dépasse. Il ne faut pas être inquiet pour l’avenir de Sion ; sa devise, finalement, lui va bien : « Ca n’est pas pour toujours ».

Print Friendly, PDF & Email